CORÉE: Femmes en Crise

"Slut Walk"

Les femmes ont toujours souffert de discrimination sexuelle et malheureusement elles en souffrent encore aujourd’hui dans le monde très machiste dans lequel nous vivons. La révélation de la vie des femmes coréennes, grâce au roman « Kim Ji-Young née en 1982 », nous montre que leur sacrifice, considéré comme inévitable, n’est en fait, pas raisonnable. Ce livre, qui a amené la Corée vers un débat très animé sur le féminisme, me permet enfin de m’exprimer sur ce sujet.

La vie d’une femme Coréenne

 

Kim Ji-Young, née en 1988 est une femme au foyer qui a obtenu un diplôme universitaire et a été professeur pendant une courte durée avant son mariage. Durant son entretien d’embauche, on lui a demandé si elle était célibataire ou mariée, ce qui est illégal. De plus, on l’a même interrogé au sujet d’un éventuel bébé, « si votre bébé est malade, qu’allez-vous faire? ». Une des personnes présentes, qui l’avait recommandée lors de la sélection des candidats, a par ailleurs ajouté qu’il aurait des problèmes si elle tombait enceinte. Deux ans après cet entretien, elle s’est inquiétée à juste titre quand elle a dû prendre son congé de maternité.

 

Quant à Kang Ji-Young, née en 1982, elle ne ressent pas la nécessité d’être mère. Pourquoi? Parce que lors de réunions de travail, ses collègues enceintes sont toujours exclues du fait qu’elles vont bientôt partir.

 

Kim Ji-Young, née en 1982 est mère d’un enfant et a été infirmière dans un hôpital universitaire. Après la naissance de son enfant elle a dû prendre un emploi à temps partiel avec un salaire beaucoup moins important que celui qu’elle avait avant son mariage. Il lui est en effet impossible d’obtenir un meilleur emploi du fait des horaires contraignants de son métier qui l’empêchent de s’occuper de son enfant.

 

On a reproché à une autre Kim Ji-Young née en 1987 de souffrir de devoir choisir entre sa grossesse et ses études. Elle a même entendu « ça ne sert à rien de t’engager dans des études, de toute façon, les femmes gagnent moins que les hommes » D’une certaine façon, cela l’a contrainte à renoncer à son rêve voire à sa vie.

 

 

Toutes ces Ji-Young sont des femmes coréennes dans un film documentaire, créé par la fièvre du roman “Kim Ji-Young née en 1982”. Ce livre raconte l’histoire d’une femme, de son enfance à son mariage en Corée du Sud, un pays saturé de préjugés sur les femmes. Il ne fait aucune révélation spéciale mais est unique en son genre et a connu un grand succès en librairie. Attirant la sympathie des lecteurs coréens, il a provoqué un débat animé au sujet du féminisme en Corée.

La Corée du Sud, un pays agréable à vivre en tant que femme ?

 

Classée onzième parmi 191 pays du monde pour son PIB en 2016, première en ce qui concerne l’ordre public et treizième dans le classement IDH (Indicateur de développement humain), la Corée du Sud est un des pays les plus connus au monde pour sa croissance dans plusieurs domaines. En revanche, elle reste dans un cas précis à un niveau extrêmement bas.

 

En effet, selon l’indice de l’inégalité entre les hommes et les femmes en 2017, annoncé par le FEM (Forum économique mondial), la Corée du sud a pris le 118e rang parmi 144 pays. Le pire, c’est son léger recul par rapport à 2015. Cette enquête a été établie à partir de quatorze critères, parmi lesquels la participation des femmes à l’activité économique, leur niveau d’éducation, leur accessibilité aux soins médicaux et la parité au sein du pouvoir politique. La catégorie qui pose réellement problème étant celle de l’activité économique. Il n’est donc pas étonnant de trouver la Corée en dernière position au sein de l’OCDE concernant « l’indice du plafond de verre » et bien entendu en première position concernant les disparités salariales.

 

Il est évidemment surprenant que le droit des femmes ait reculé alors que le président était une femme! Seulement trois ministres féminins ont été nominées durant son mandat contre six dans le mandat présidentiel précédent. De plus, elle avait promis la création de 1,5 millions d’emplois pour les femmes, mais elle n’a rien fait et les disparités entre les sexes se sont accrues dans le domaine du travail et de la représentativité féminine.

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En Corée, il existe 36% d’écart entre les salaires des hommes et des femmes, contre une moyenne de 14% des pays de l’OCDE. Cet écart peut être expliqué non seulement par la répartition du travail selon les sexes, mais aussi par l’absence de garde d’enfants qui, en fait, prive les femmes de leur droit au travail.

 

Finalement, dans la vie d’une femme coréenne, le mariage, la grossesse et l’interruption de la carrière professionnelle forment un lien inséparable. D’ailleurs, selon une étude en 2016 de l’Institution de la Santé et des Affaires Sociales de Corée du Sud, 44,6% des femmes ayant un enfant ont interrompu leur carrière professionnelle. C’est donc une des principales raisons de l’écart salarial.

 

Dans le monde du travail, les femmes qui utilisent leur droit « d’être une mère » ne sont pas reçues avec plaisir. Dans le cas où elles prennent un congé maternité, l’entreprise doit les remplacer, donc employer une femme représente, en effet, une perte.  Après leur retour au travail, les femmes perdent souvent leur emploi, sont dégradées ou sont freinées dans leur avancement. De plus, le manque de moyens structurels pour protéger ces femmes les conduisent à renoncer à leur rôle social. Elles ont beaucoup de mal à s’épanouir dans l’entreprise et beaucoup renoncent à avoir un bébé ou vivent seules. Tout ceci a mené La Corée à un triste record : un des plus faible taux de natalité au monde!

 

La Corée du sud s’effacera de la carte du monde

 

 

Concernant la natalité, la Corée du Sud reste un des pays avec le taux le plus bas, soit 1,17 bébé en 2016 et à cette allure, le pays ne survivra pas. Depuis 2005, plus de cent milliards de dollars ont été investis dans le but d’améliorer cette situation, en vain. Des progrès existent au niveau des droits concernant l’égalité entre les hommes et les femmes mais une réalité demeure: les femmes s’occupent des enfants et de leur foyer pendant que leur mari part au travail.

 

 

 

 

Pire, la structure sociétale coréenne impute ce problème de natalité aux femmes. Le cas le plus représentatif s’est produit le 29 décembre 2016, quand le ministère des Affaires Administratives de Corée a ouvert au public “la carte de l’accouchement”. Cette carte représentait le nombre de femmes pouvant tomber enceinte dans chaque région, selon seulement deux critères: l’âge et le sexe. Cette discrimination flagrante a conduit le gouvernement à présenter une courte excuse officielle et à supprimer cette carte.

« Être ou ne pas être », le dilemme des Coréennes

 

On dit que la grossesse est une bénédiction de Dieu. Cependant, on peut interpréter cette métaphore comme une des contraintes qui nous prive du droit de choisir entre une vie professionnelle et celle d’une femme au foyer.

 

Le refus d’être mère ne fait pas partie des droits des femmes coréennes même si ce sont elles qui ont toute la responsabilité et la douleur parce que la société elle-même n’accepte pas qu’elle fasse ce choix. La situation opposée est la même. Il ne leur est pas possible d’avoir un bébé si elles ne sont pas prêtes à perdre leur travail. Donc, elles sont toujours face à un dilemme, celui de choisir entre une image qui correspond à être « une bonne citoyenne » et l’image professionnelle dont elles ont rêvé tout au long de leur vie.

 

 

Moi, Jo Ye-Jin, née en 1996, diplômée de l’université d’EWHA en 2017, suis aujourd’hui directrice des ventes d’une grande entreprise. En 2025, je me marie avec mon copain après sept ans de carrière et en 2027, j’accouche de mon premier enfant. Grâce au programme national lancé en 2019, mon emploi est garanti même après mon mariage et je reçois une prime de trois cents dollars par mois pour mon enfant. Mon mari et moi, nous utilisons un congé parental et prenons soin du bébé tour à tour. À deux ans, il est possible de le mettre à la garderie attachée à l’entreprise. Je suis contente de ces changements considérables pour la femme coréenne, je ne souffre plus de mon mariage ou de ma grossesse au travail, alors aujourd’hui, mon mari et moi prévoyons d’avoir un autre enfant…

 

Ye-Jin JO

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